La preuve par les dents : aux racines de l’homme moderne.

LEIPZIG, Allemagne / RAVENNE et PISE, Italie : Une équipe internationale de chercheurs a analysé deux dents provenant des sites préhistoriques de la Grotta di Fumane et de Riparo Bombrini en Italie du Nord. Les résultats de cette étude apportent un nouvel éclairage dans la compréhension de l'interaction entre l'homme moderne et le Néandertalien. Les scientifiques ont attribué les dents à une culture ancienne de l'homme moderne présente en Europe du Sud, reliant ainsi l'émergence de l'Homo sapiens à l'extinction des Neandertaliens.

Une étude récente de 2014 basée sur l’analyse d’os et d’outils de l'homme de Néandertal a constaté que cette espèce, étroitement liée à l'homme moderne, s’est éteinte en Europe entre 41 000 et 39 000 années tandis que l’Homo sapiens est arrivé en Europe entre 45 000 et 43 000 ans. La question de la cause ou des causes de la disparition des Néandertaliens est un sujet délicat pour lequel aucun scénario proposé n’est certain. Ainsi, différentes hypothèses sont avancées : l’incapacité à s'adapter aux changements climatiques, le manque de résistance à des parasites et des agents pathogènes introduits par l’Homo Sapiens ou encore l'exclusion et la concurrence avec l'homme moderne.
La culture Proto-aurignacien, répartie dans le sud-ouest et le Centre-Sud Europe il y a environ 42 000 ans, a été caractérisée par un remarquable ensemble d'innovations technologiques en pierre de taille et par la fabrication d'outils à partir d'os, ainsi que par un grand usage de parures.
À ce jour, l’appartenance des Proto-aurignacien à l'espèce Homo sapiens n’avait pas été clairement défini vu que l’Europe était peuplé d’hommes modernes et de Néandertaliens à cette époque. Les équipes de chercheurs de l'Université de Bologne, Ravenne et d'anthropologie évolutionniste de l'Institut Max Planck à Leipzig ont souligné l’importance d'identifier le groupe responsable de cette culture pour faire la lumière sur la disparition de l'homme de Néandertal.
Malheureusement, selon eux, des restes humains provenant de manière sûre des Proto-aurignaciens ont été trouvé uniquement sur deux sites, tous deux en Italie. En 1976, une incisive mandibulaire a été découverte à Riparo Bombrini dans les Alpes occidentales de la Ligurie et une incisive a été trouvée en 1992 à la Grotta di Fumane dans les Monts Lessini occidentaux.
Le Dr Stefano Benazzi de l'Université de Bologne et ses collègues du National Research Council’s Institute of Clinical Physiology de Pise ont comparé, grâce au principe de la tomographie assistée par ordinateur, des modélisations numériques de la dent humaine de Riparo Bombrini avec celles d’échantillons dentaires d’Homo sapiens et de Néandertalien. Grâce à l’analyse de l'épaisseur de l'émail, les chercheurs sont arrivés à la conclusion que le spécimen de Riparo Bombrini appartenait à un homme moderne.
Viviane Slon et ses collègues de l'Institut Max Planck pour l'anthropologie évolutionnaire a analysé l'ADN mitochondrial du spécimen dentaire Grotta di Fumane et a conclu que son génome mitochondrial relève de la variation de l'homme moderne, spécifiquement typique de l’ADN mitochondrial de population pré-agricole en Europe.
De plus, Dr Sahra Talamo de l'Institut Max Planck a entrepris un vaste programme de datation au radiocarbone pour établir une chronologie pour la dent de Riparo Bombrini. Elle a constaté qu'elle est âgée d'environ 40 000 ans.
Selon les chercheurs, les résultats de leurs analyses ont montré que les fossiles des deux dents sont les plus vieux restes humains liés au contexte archéologique aurignacien, confirmant qu’il y a 41 000 ans avant nous, des hommes modernes de culture Proto-aurignacienne s'était répandus dans le sud de l'Europe, vivant côte à côte avec les Néandertaliens.
« Au moment du remplacement des Néandertaliens par l'homme moderne en Europe, la nature biologique de plusieurs populations européennes contemporaines demeure inconnue, et jusqu’alors aucune preuve directe n’avait établi que les premiers hommes de culture aurignacienne, à l’origine de nombreuses innovations techniques, étaient effectivement des Homo Sapiens, » a expliqué le professeur Jean-Jacques Hublin, directeur de la Ministère de l'évolution humaine à l'Institut Max Planck et co-auteur de l'étude. « La relation entre les restes modernes et le contexte archéologique aurignacien fournit maintenant des preuves matérielles que l'arrivée de notre espèce sur le continent a déclenché la disparition des Néandertaliens, qui ont disparu quelques millénaires plus tard. »
L'étude, intitulée « The makers of the Protoaurignacian and implications for Neandertal extinction» a été publiée en ligne le 23 avril dans la revue Science avant impression.