[conférences] «Une bouche en toute sécurité » ADF 2014.


Biofilm microbien développé sur un rotor de turbine et recouvert par un film de lubrifiant. (Photo parue dans Today du 28 novembre 2014)
1 déc. 2014 | News France

ADF 2014 : conférences «Une bouche en toute sécurité »

by Dental Tribune International
PARIS, France : Sous la responsabilité scientifique du Dr Lucien Brisset (UFR de Strasbourg), une série de conférences sur la thématique de la réglementation et des recommandations en hygiène et stérilisation a été donnée lors du congrès de l'ADF qui s´est déroulé du 25 au 29 novembre 2014. Les objectifs de ce programme de conférences étaient de faire le point sur la problématique au cabinet dentaire et de découvrir les clés pour organiser simplement la mise en pratique des mesures d'hygiène et de stérilisation.
L’hygiène, l’asepsie et la stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables sont devenues au cours des deux dernières décennies une préoccupation quotidienne du praticien soucieux d’assurer la qualité et la sécurité des soins qu’il prodigue.

Par ailleurs la loi a confirmé sans aucune exception que « les professionnels de santé […] exerçant en dehors des établissements de santé, veillent à prévenir toutes infections liées à leurs activités de prévention, de diagnostic et de soins. » (Art. L3114-6 du Code de la santé publique).

De même les articles Article R4127-204 et 269 du Code de la santé publique stipulent clairement que le chirurgien-dentiste ne doit en aucun cas exercer sa profession dans des conditions susceptibles de compromettre la qualité des soins et la sécurité des patients grâce à l’installation et la mise en œuvre de moyens techniques répondant aux règles en vigueur concernant l’hygiène.

Pour assumer leurs obligations légales et leur statut juridique en cas de litige, les organismes nationaux tels que la Haute autorité de santé, la Direction générale de la santé ou encore l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ex AFSSAPS) ont publié à l’adresse des praticiens des recommandations sous la forme de guides qui, depuis l’arrêt du Conseil d’État du 27 avril 2011, sont considérées comme faisant partie des « données acquises de la science ». Ces recommandations entrent donc dans le champ de l’arrêt Mercier de 1936 et deviennent des actes obligatoires engageant, en cas de non-respect, la responsabilité du praticien.

Les différents concepts développés dans ces guides sont fondés sur les précautions standard qui doivent être mises en oeuvre « par tout soignant lors de tout soin à tout patient quel que soit son statut infectieux » (Circulaire DGS/DH - n° 98/249 du 20 avril 1998). En médecine bucco-dentaire on distingue six précautions standard :

• L’hygiène de l’équipe soignante : tenue, hygiène des mains.
• La mise en oeuvre des protections individuelles : gants, masque, lunettes.
• Le traitement des dispositifs médicaux (DM) réutilisables : critiques, semi-critiques et non critiques. 
• L’hygiène de l’environnement: architecture et organisation des locaux, hygiène des locaux.
• Le traitement des déchets d’activité de soins : DAOM, DASRI, déchets d’amalgames et de mercure.
• La prévention des accidents d’exposition au Sang (AES) : vaccination et formation du personnel, auxquelles s’ajoutent des précautions complémentaires notamment en chirurgie buccale.

Le traitement des dispositifs médicaux réutilisables est sans aucun doute LE sujet qui a généré le plus de polémiques, de doutes et de fausses bonnes idées dans l’esprit des praticiens. Souvent par manque de formation (initiale et continue) et de repères (règles de bonnes pratiques, normes) ceux-ci ont trop souvent eu recours à des « systèmes personnalisés auto-satisfaisants » qui, malgré tous les efforts consentis et les moyens financiers alloués, présentaient en fin de compte une efficacité toute relative ne leur permettant pas de garantir la qualité et la sécurité des soins.

Les règles de bonnes rratiques de retraitement des dispositifs médicaux réutilisables critiques et semi-critiques :

Calquées sur les règles de bonnes pratiques hospitalières, elles ne doivent pas être considérées par le praticien comme « des contraintes annexes » mais comme des repères fiables, lui permettant d’organiser en toute sécurité et avec toute l’efficacité règlementaire voulue le retraitement des dispositifs médicaux contaminés au cours des soins par le sang, la salive, le pus ou les débris tissulaires.

Ainsi la chaine de production d’instruments stériles au sein du cabinet dentaire libéral est articulée autour des trois étapes indissociables que sont la pré-désinfection, le nettoyage et la stérilisation proprement dite.
Au fil des ans, les industriels ont proposé aux chirurgiens-dentistes de très nombreux équipements destinés à diminuer les non conformités et atténuer l’effet chronophage, répétitif et surtout non reproductible des procédures manuelles exécutées par le personnel du cabinet dentaire.

C’est ainsi que sont apparus des équipements de pré-nettoyage (cuve à ultrasons, générateurs de vapeur), de nettoyage (laveurs désinfecteurs) ou de stérilisation (soudeuses, autoclaves à vapeur d’eau saturée) associés à des systèmes informatiques permettant de tracer les procédures de retraitement des dispositifs médicaux conformément à la réglementation en vigueur en France.

Trop souvent présentées comme des machines « miracles », « uniques » voire « révolutionnaires », « validées par des experts », testées dans des « universités de renom » puisqu’étrangères, certains de ces équipements mettaient en oeuvre des procédés qui n’avaient qu’un rapport lointain avec la réglementation française et européenne en matière de retraitement des dispositifs médicaux.

Pour éviter cet écueil, les organismes de normalisation (AFNOR, CEN) ont mis en place des normes permettant au praticien de sécuriser d’une part les procédures de production et d’autre part de sécuriser les investissements. Ces normes représentent donc des critères de choix que tout praticien devrait avoir à l’esprit avant toute décision d’acquisition.

Une fois ces équipements identifiés, il convient de les intégrer dans la chaine de production grâce à des procédures de qualification (opérationnelle et de performances) démontrant, qu’une fois installés et utilisés conformément à leur mode opératoire, ils fonctionnent de façon constante conformément aux critères prédéterminés par le praticien.

Malgré cela le retraitement de certains dispositifs médicaux comme les porte-instruments rotatifs contaminés au cours des soins reste pour le moment un problème non résolu soit que les automates de traitement proposés ne réalisent pas une procédure de nettoyage voire de stérilisation conforme aux règles de bonnes pratiques soit que l’efficacité du traitement notamment des surfaces internes de ces dispositifs n’a pu être démontrée par des tests adéquats. Il faudra donc attendre l’arrivée d’une nouvelle génération de laveurs désinfecteurs lubrificateurs sécheurs (LDLS) spécialement dédiés aux porte-instruments rotatifs et conformes à la norme EN 15883 – 1 et 2 pour trouver une solution à cet épineux problème.

La recrudescence des procédures juridiques envers les praticiens les amène, en cas de litige, à devoir prouver, pour chaque acte réalisé, la qualité et la conformité des DM et matériaux utilisés au cours des soins. Pour ce faire une traçabilité des procédures de retraitement doit être mise en place.

Contrairement à certaines idées reçues, c’est avant tout une démarche d’organisation comportant un enchaînement d’étapes organisé autour d’enregistrements successifs comportant un niveau de détail optimal, réaliste, simple et efficace portant sur la totalité de la procédure de retraitement et non pas sur la traçabilité individuelle d’un instrument (T2I) impossible à réaliser en routine dans un cabinet dentaire libéral.

Souvent considérée comme une corvée, la traçabilité dans laquelle l’informatique prend à l’heure actuelle une importance grandissante, est pourtant le seul moyen pour le praticien de démontrer, en cas de litige, ses bonnes pratiques concernant le retraitement des dispositifs médicaux.

Le traitement d’un dispositif médical non critique : l’unit dentaire. 

Loin de constituer une tâche annexe l’entretien de l’unit dentaire fait l’objet actuellement d’une attention toute particulière en raison du risque avéré de contamination croisée par l’eau transitant dans les circuits internes utilisée pour le refroidissement des instruments rotatifs ou pour la détersion du champ opératoire.

D’autre part, le système d’aspiration, vecteur de liquides biologiques, d’eau ou de particules diverses contaminées, offre des conditions idéales pour la prolifération des germes et la formation d’un biofilm microbien qui pourront, soit par contact soit par reflux dans la cavité buccale du patient être à l’origine, là encore, d’une contamination croisée au cours des soins.

Un mauvais entretien de ces circuits impacte bien évidemment tous les efforts consentis pour le traitement des dispositifs médicaux critiques et semi-critiques utilisés sur cet unit. Des procédures de surveillance (analyse des eaux aux points d’entrée et aux points d’utilisation, nettoyage des conduits d’aspiration dans un laveur désinfecteur…) doivent être mises en place avec une périodicité écrite et archivée planifiant les entretiens journaliers, hebdomadaires ou mensuels.

Enfin la contamination des surfaces externes de l’unit par contact ou par l’air ou encore les gouttelettes contaminées générées lors des soins doit faire l’objet d’une procédure de traitement soit par un nettoyage désinfectant entre chaque patient soit par un bio-nettoyage en début ou en fin de journée.

La règlementation, les règles de bonnes pratiques, les normes sont des guides et des références édictées pour faciliter et organiser le travail de l’équipe soignante qui assurera en les respectant la sécurité et la qualité des soins qu’elle dispense. 

Note de la rédaction : Cet article est paru dans le Today du congrès de l´ADF du 28 novembre 2014.

Références : 

1. Infections liées aux soins réalisés en dehors des établissements de santé : guide de prévention, DGS, 2006.
2. Guide de prévention des infections liées aux soins en chirurgie dentaire et en stomatologie. Ministère de la santé, DGS, juillet 2006.
3. Grille d’évaluation pour la prévention des infections associées aux soins, Association Dentaire Française, 2013 .
4. Conditions de réalisation des actes d’implantologie orale : environnement technique, HAS, 2008.
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