L’oestrogène et le bisphénol A stimulent la prolifération d'améloblastes

Le Bisphénol-A (BPA) est un perturbateur endocrinien largement répandu et actuellement sous haute surveillance du fait de ses multiples effets délétères sur la santé. De nombreux tissus et cellules sont la cible du BPA et des études récentes suggèrent que l’émail dentaire et les cellules qui le génèrent (améloblastes) sont également touchés. Une nouvelle étude a démontré que l’oestrogène et le bisphénol A affectent la formation de l’émail chez des rats mâles et stimulent la prolifération des améloblastes.

Une équipe pluridisciplinaire de chercheurs français a confirmé ses observations précédemment publiées, en étudiant plus en détails l’effet du BPA sur les améloblastes. En particulier, la voie de signalisation des oestrogènes. Dans leur protocole méthodologique, des rats ont été exposés à de faibles doses journalières de BPA et ont développé une hypominéralisation similaire à l’hypominéralisation des molaires-incisives chez l’homme (Molar Incisor Hypomineralization ou MIH). Dans ces conditions les auteurs ont constaté que le BPA augmentait la proliferation des améloblastes tant in vivo qu’in vitro. De plus, la prolifération de lignées cellulaires d’améloblastes de rats HAT-7 était stimulée par l’œstrogène. Les améloblastes expriment le récepteur à l’oestrogène (ER) de type ERα et ce, tant in vivo qu’in vitro. Les auteurs ont donc testé l’hypothèse selon laquelle l’effet du BPA serait lié à la voie de signalisation des oestrogènes via ERα à laquelle il se lierait. Un antagoniste des récepteurs ICI 182, a alors été utilisé pour inactiver l’ERα, et abolir l’effet de la voie des oestrogènes sur la prolifération cellulaire et la transcription des gènes. Cependant, les auteurs ont observé que ce traitement ne réduit que partiellement les effets du BPA sur les améloblastes.

Cette étude souligne le rôle de la voie de signalisation des oestrogènes dans le développement dentaire et le processus de minéralisation de l’émail. Elle démontre aussi pour la première fois qu’une partie des effets du BPA sur la prolifération et la régulation transcriptionnelle, a une composante indépendante des récepteurs aux oestrogènes. Enfin, cette étude a démontré que le BPA affecte l’amélogenèse préférentiellement chez les rats mâles. Ces résultats confirment l’importance des hormones stéroides et de leurs effets sur les améloblastes, en particulier lors de l’amélogenèse. En augmentant la durée de la phase proliférative lors de l’amélogenèse, les oestrogènes et les xéno-oestrogènes tels que le BPA réduiraient le temps dédié à la minéralisation dans ce processus, conduisant ainsi à une hypominéralisation. Cette étude pourrait aussi fournir des pistes pour expliquer les différences de qualité de l’émail entre les hommes et les femmes.

Ce travail a été dirigé par Sylvie Babajko du laboratoire INSERM UMRS1138 de pathophysiologie orale moléculaire, au Centre de Recherche des Cordeliers de Paris, n collaboration avec des laboratoires des Universités Paris Descartes, Pierre et Marie Curie, Paris-Diderot, de l’INSERM U1048 de Toulouse et des laboratoires INRA UMR 1324 et CNRS UMR 6265 du Centre des sciences du goût et de l’alimentation de Dijon. Enfin le Centre de Référence des maladies rares de la face et de la cavité buccale (MAFACE) de l’hôpital Rothschild, a été associé à cette étude. Les résultats ont été publiés dans le numéro du 8 Juillet 2014, de la revue Endocrinologydisponible en ligne.